Page:Maupassant - Théâtre, OC, Conard, 1910.djvu/180

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jour, je vous ai sentie coquette avec moi, coquette obscurément, mystérieusement, coquette comme vous savez l’être, sans le montrer, quand vous voulez plaire, vous autres. Vous m’avez peu à peu conquis avec des regards, des sourires, des poignées de main, sans vous compromettre, sans vous engager, sans vous démasquer. Vous avez été terriblement forte et séduisante. Je vous ai aimée de toute mon âme, moi, sincèrement et loyalement. Et, aujourd’hui, je ne sais pas quel sentiment vous avez là — au fond du cœur, — quelle pensée vous avez là — au fond de la tête, — je ne sais pas, je ne sais rien. Je vous regarde et je me dis : cette femme, qui semble m’avoir choisi, semble aussi oublier toujours qu’elle m’a choisi. M’aime-t-elle ? Est-elle lasse de moi ? A-t-elle fait un essai, pris un amant pour voir, pour savoir, pour goûter, — sans avoir faim ? Il y a des jours où je me demande si, parmi tous ceux qui vous aiment, et qui vous le disent sans cesse, il n’y en a pas un qui commence à vous plaire davantage.

Madame de Sallus.

Mon Dieu ! il y a des choses qu’il ne faut jamais approfondir.

Jacques de Randol.

Oh ! que vous êtes dure ! Cela signifie que vous ne m’aimez pas.

Madame de Sallus.

De quoi vous plaignez-vous ? De ce que je ne parle point,… car… je ne crois pas que vous ayez autre chose à me reprocher.