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2<)6 BERTHE.

dînais aussi souvent chez eux, ce qui me per- mit de remarquer que Berthe (on l'avait nommée Berthe) semblait reconnaître les plats et préférer les uns aux autres.

Elle avait alors douze ans. Elle était formée comme une fille de dix-huit, et plus grande que moi.

L'idée me vint donc de développer sa gourmandise et d'essayer, par ce moyen, de faire entrer des nuances dans son esprit, de la forcer, par les dissemblances des goûts, par les gammes des saveurs, sinon à des raison- nements, du moins à des distinctions instinc- tives, mais qui constitueraient déjà une sorte de travail matériel de la pensée.

On devrait ensuite, en faisant appel à ses passions, et en choisissant avec soin celles qui pourraient nous servir, obtenir une sorte de choc en retour du corps sur finteHigence, et augmenter peu à peu le fonctionnement in- sensible de son cerveau.

Je plaçai donc un jour, en face d'elle, deux assiettes, l'une de soupe, l'autre de crème à la vanille, très sucrée. Et je lui fis goûter de l'une et de l'autre alternativement. Puis je la