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YVETTE.

Vous êtes devenue une personne toute raisonnable.

Elle répondit :

— C’est la campagne qui m’a fait ça. Je ne suis plus la même. Je me sens toute drôle. Moi, d’ailleurs, je ne me ressemble jamais deux jours de suite. Aujourd’hui, j’aurai l’air d’une folle, et demain d’une élégie ; je change comme le temps, je ne sais pas pourquoi. Voyez-vous, je suis capable de tout, suivant les moments. Il y a des jours où je tuerais des gens, pas des bêtes, jamais je ne tuerais des bêtes, mais des gens, oui, et puis d’autres jours où je pleure pour un rien. Il me passe dans la tête un tas d’idées différentes. Ça dépend aussi comment on se lève. Chaque matin, en m’éveillant, je pourrais dire ce que je serai jusqu’au soir. Ce sont peut-être nos rêves qui nous disposent comme ça. Ça dépend aussi du livre que je viens de lire.

Elle était vêtue d’une toilette complète de flanelle blanche qui l’enveloppait délicatement dans la mollesse flottante de l’étoffe. Son corsage large, à grands plis, indiquait, sans la montrer, sans la serrer, sa poitrine libre, ferme et déjà mûre. Et son cou fin sortait d’une mousse de grosses dentelles, se