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YVETTE.

de poudre de riz, des émanations de parfumerie et d’aisselles.

Les buveurs, autour des tables, engloutissaient des liquides blancs, rouges, jaunes, verts, et criaient, vociféraient sans raison, cédant à un besoin violent de faire du tapage, à un besoin de brutes d’avoir les oreilles et le cerveau pleins de vacarme.

De seconde en seconde un nageur, debout sur le toit, sautait à l’eau, jetant une pluie d’éclaboussures sur les consommateurs les plus proches, qui poussaient des hurlements de sauvages.

Et sur le fleuve une flotte d’embarcations passait. Les yoles longues et minces filaient, enlevées à grands coups d’aviron par les rameurs aux bras nus, dont les muscles roulaient sous la peau brûlée. Les canotières en robe de flanelle bleue ou de flanelle rouée, une ombrelle, rouge ou bleue aussi, ouverte sur la tête, éclatante sous l’ardent soleil, se renversaient dans leur fauteuil à l’arrière des barques, et semblaient courir sur l’eau, dans une pose immobile et endormie.

Des bateaux plus lourds s’en venaient lentement, chargés de monde. Un collégien en goguette, voulant faire le beau, ramait avec