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YVETTE.

des mouvements d’ailes de moulin, et se heurtait à tous les canots, dont tous les canotiers l’engueulaient, puis il disparaissait éperdu, après avoir failli noyer deux nageurs, poursuivi par les vociférations de la foule entassée dans le grand café flottant.

Yvette, radieuse, passait au bras de Servigny au milieu de cette foule bruyante et mêlée, semblait heureuse de ces coudoiements suspects, dévisageait les filles d’un œil tranquille et bienveillant.

— Regardez celle-là. Muscade, quels jolis cheveux elle a ! Elles ont l’air de s’amuser beaucoup.

Comme le pianiste, un canotier vêtu de rouge et coiffé d’une sorte de colossal chapeau parasol en paille, attaquait une valse, Yvette saisit brusquement son compagnon par les reins et l’enleva avec cette furie qu’elle mettait à danser. Ils allèrent si longtemps et si frénétiquement que tout le monde les regardait. Les consommateurs, debout sur les tables, battaient une sorte de mesure avec leurs pieds ; d’autres heurtaient les verres ; et le musicien semblait devenir enragé, tapait les touches d’ivoire avec des bondissements de la main, des gestes fous de tout le corps, en