Page:Maupassant - Yvette.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pudique cependant, telle que la nature l’avait mise dans les êtres avant que l’homme l’eut compliquée et défigurée par toutes les nuances du sentiment.

Mais lui se fatigua bien vite de cette belle créature ardente et muette. Il ne passait plus près d’elle que quelques heures dans le jour, trouvant suffisant de lui donner ses nuits.

Et elle commença à souffrir.

Elle l’attendait, du matin au soir, les yeux fixés sur la pendule, ne se préoccupant même plus des repas, car il mangeait toujours dehors, à Clermont, à Chatel-Guyon, à Royat, n’importe où, pour ne pas rentrer.

Elle maigrit.

Toute autre pensée, tout autre désir, toute autre attente, tout autre espoir confus disparurent de son esprit, et les heures où elle ne le voyait point devenaient pour elle des heures de supplice atroce. Bientôt il découcha. Il passait ses soirées au casino de Royat avec des femmes, ne rentrait qu’aux premières lueurs du jour.

Elle refusait de se mettre au lit avant qu’il fût revenu. Elle restait immobile sur une chaise, les yeux indéfiniment fixes sur les petites aiguilles de cuivre qui tournaient, tournaient de leur marche