Page:Maupassant Bel-ami.djvu/118

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Elle était bien émue cependant, en redescendant l’escalier, et elle s’appuyait de toute sa force sur le bras de son amant, tant elle sentait fléchir ses jambes.

Ils ne rencontrèrent personne.

Comme il se levait tard, il était encore au lit, le lendemain vers onze heures, quand le facteur du télégraphe lui apporta le petit bleu promis.

Duroy l’ouvrit et lut : « Rendez-vous tantôt, cinq heures, rue de Constantinople, 127. Tu te feras ouvrir l’appartement loué par Mme Duroy.

« Clo t’embrasse ».

À cinq heures précises, il entrait chez le concierge d’une grande maison meublée et demandait : — C’est ici que Mme Duroy a loué un appartement ?

— Oui, monsieur.

— Voulez-vous m’y conduire, s’il vous plaît ?

L’homme, habitué sans doute aux situations délicates où la prudence est nécessaire, le regardait dans les yeux, puis, choisissant dans la longue file de clefs :

— Vous êtes bien M. Duroy ?

— Mais oui, parfaitement.

Et il ouvrit un petit logement composé de deux pièces et situé au rez-de-chaussée, en face de la loge.

Le salon, tapissé de papier ramagé, assez frais, possédait un meuble d’acajou recouvert en reps verdâtre à dessins jaunes, et un maigre tapis à fleurs, si mince que le pied sentait le bois par-dessous.

La chambre à coucher était si exiguë que le lit l’emplissait aux trois quarts. Il tenait le fond, allant d’un mur à l’autre, un grand lit de maison meublée, enveloppé de rideaux bleus et lourds, également en reps, et écrasé sous un édredon de soie rouge maculé de taches suspectes.