Page:Maupassant Bel-ami.djvu/129

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Il répondit d’un ton grognon : — Pourquoi sortir ? On est très bien ici.

Elle reprit, sans ôter son chapeau : — Si tu savais, il fait un clair de lune merveilleux. C’est un vrai bonheur de se promener, ce soir.

— C’est possible, mais moi je ne tiens pas à me promener.

Il avait dit cela d’un air furieux. Elle en fut saisie, blessée, et demanda : — Qu’est-ce que tu as ? pourquoi prends-tu ces manières-là ? J’ai le désir de faire un tour, je ne vois pas en quoi cela peut te fâcher.

Il se souleva, exaspéré. — Cela ne me fâche pas. Cela m’embête. Voilà !

Elle était de celles que la résistance irrite et que l’impolitesse exaspère.

Elle prononça, avec dédain, avec une colère froide :

— Je n’ai pas l’habitude qu’on me parle ainsi. Je m’en irai seule, alors ; adieu !

Il comprit que c’était grave, et s’élançant vivement vers elle, il lui prit les mains, les baisa, en balbutiant :

— Pardonne-moi, ma chérie, pardonne-moi, je suis très nerveux, ce soir, très irritable. C’est que j’ai des contrariétés, des ennuis, tu sais, des affaires de métier.

Elle répondit, un peu adoucie, mais non calmée :

— Cela ne me regarde pas, moi ; et je ne veux point supporter le contre-coup de votre mauvaise humeur.

Il la prit dans ses bras, l’attira vers le canapé :

— Écoute, ma mignonne, je ne voulais point te blesser ; je n’ai point songé à ce que je disais.

Il l’avait forcée à s’asseoir, et s’agenouillant devant elle : — M’as-tu pardonné ? Dis-moi que tu m’as pardonné.

Elle murmura, d’une voix froide : — Soit, mais ne recommence pas. — Et, s’étant relevée, elle ajouta :