Page:Maupassant Bel-ami.djvu/185

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Quand il relut sa note dans le journal, le lendemain, il la trouva plus agressive imprimée que manuscrite. Il aurait pu, lui semblait-il, atténuer certains termes.

Il fut fiévreux tout le jour et il dormit mal encore la nuit suivante. Il se leva dès l’aurore pour chercher le numéro de la Plume qui devait répondre à sa réplique.

Le temps s’était remis au froid ; il gelait dur. Les ruisseaux, saisis comme ils coulaient encore, déroulaient le long des trottoirs deux rubans de glace.

Les journaux n’étaient point arrivés chez les marchands, et Duroy se rappela le jour de son premier article : Les Souvenirs d’un Chasseur d’Afrique. Ses mains et ses pieds s’engourdissaient, devenaient douloureux, au bout des doigts surtout ; et il se mit à courir en rond autour du kiosque vitré, où la vendeuse, accroupie sur sa chaufferette, ne laissait voir, par la petite fenêtre, qu’un nez et des joues rouges dans un capuchon de laine.

Enfin le distributeur de feuilles publiques passa le paquet attendu par l’ouverture du carreau, et la bonne femme tendit à Duroy la Plume grande ouverte. Il chercha son nom d’un coup d’œil et ne vit rien d’abord. Il respirait déjà, quand il aperçut la chose enfermée entre deux tirets.

« Le sieur Duroy, de la Vie Française, nous donne un démenti ; et, en nous démentant, il ment. Il avoue cependant qu’il existe une femme Aubert, et qu’un agent l’a conduite à la police. Il ne reste donc qu’à ajouter deux mots : « des mœurs » après le mot « agent » et c’est dit.

« Mais la conscience de certains journalistes est au niveau de leur talent.

« Et je signe : Louis Langremont. »

Alors le cœur de Georges se mit à battre violemment,