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que des bourgeois avec leurs femmes et leurs enfants, de bonnes têtes stupides qui viennent pour voir. Aux loges, des boulevardiers, quelques artistes, quelques filles de demi-choix ; et, derrière nous, le plus drôle de mélange qui soit dans Paris. Quels sont ces hommes ? Observe-les. Il y a de tout, de toutes les professions et de toutes les castes, mais la crapule domine. Voici des employés, employés de banque, de magasin, de ministère, des reporters, des souteneurs, des officiers en bourgeois, des gommeux en habit, qui viennent de dîner au cabaret et qui sortent de l’Opéra avant d’entrer aux Italiens, et puis encore tout un monde d’hommes suspects qui défient l’analyse. Quant aux femmes, rien qu’une marque : la soupeuse de l’Américain, la fille à un ou deux louis qui guette l’étranger de cinq louis et prévient ses habitués quand elle est libre. On les connaît toutes depuis six ans ; on les voit tous les soirs, toute l’année, aux mêmes endroits, sauf quand elles font une station hygiénique à Saint-Lazare ou à Lourcine. »

Duroy n’écoutait plus. Une de ces femmes, s’étant accoudée à leur loge, le regardait. C’était une grosse brune à la chair blanchie par la pâte, à l’œil noir, allongé, souligné par le crayon, encadré sous des sourcils énormes et factices. Sa poitrine, trop forte, tendait la soie sombre de sa robe ; et ses lèvres peintes, rouges comme une plaie, lui donnaient quelque chose de bestial, d’ardent, d’outré, mais qui allumait le désir cependant.

Elle appela, d’un signe de tête, une de ses amies qui passait, une blonde aux cheveux rouges, grasse aussi, et elle lui dit d’une voix assez forte pour être entendue : — Tiens, v’là un joli garçon : s’il veut de moi pour dix louis, je ne dirai pas non.