Page:Maupassant Bel-ami.djvu/297

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me nommerez les tireurs. Tenez, si vous restiez debout au coin de ce banc, vous ne gêneriez personne.

Elle le regardait de ses grands yeux doux. Elle insista : — Voyons, restez avec nous… monsieur… monsieur Bel-Ami. Nous avons besoin de vous.

Il répondit :

— J’obéirai… avec plaisir, madame.

On entendait répéter de tous les côtés : — C’est très drôle, cette cave, c’est très gentil.

Georges la connaissait bien, cette salle voûtée ! Il se rappelait le matin qu’il y avait passé, la veille de son duel, tout seul, en face d’un petit carton blanc qui le regardait du fond du second caveau comme un œil énorme et redoutable.

La voix de Jacques Rival résonna, venue de l’escalier : — On va commencer, mesdames.

Et six messieurs, très serrés en leurs vêtements, pour faire saillir davantage le thorax, montèrent sur l’estrade et s’assirent sur les chaises destinées au jury.

Leurs noms coururent : Le général de Raynaldi, président, un petit homme à grandes moustaches ; le peintre Joséphin Roudet, un grand homme chauve à longue barbe ; Matthéo de Ujar, Simon Ramoncel, Pierre de Carvin, trois jeunes hommes élégants, et Gaspard Merleron, un maître.

Deux pancartes furent accrochées aux deux côtés du caveau. Celle de droite portait : M. Crèvecœur, et celle de gauche : M. Plumeau.

C’étaient deux maîtres, deux bons maîtres de second ordre. Ils apparurent, secs tous deux, avec un air militaire, des gestes un peu raides. Ayant fait le salut d’armes avec des mouvements d’automates, ils commencèrent à s’attaquer, pareils, dans leur costume de toile et de peau