Page:Maupassant Bel-ami.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gent. Je voulais en acheter pour dix mille francs de cet emprunt, moi, pour me créer une petite cassette. Eh bien ! j’en prendrai pour vingt mille ! Tu te mets de moitié. Tu comprends bien que je ne vais pas rembourser ça à Walter. Il n’y a donc rien à payer pour le moment. Si ça réussit, tu gagnes soixante-dix mille francs. Si ça ne réussit pas, tu me devras dix mille francs que tu me payeras à ton gré.

Il dit encore : — Non, je n’aime guère ces combinaisons-là.

Alors, elle raisonna pour le décider, elle lui prouva qu’il engageait en réalité dix mille francs sur parole, qu’il courait des risques, par conséquent, qu’elle ne lui avançait rien puisque les déboursés étaient faits par la Banque Walter.

Elle lui démontra, en outre, que c’était lui qui avait mené, dans la Vie Française, toute la campagne politique qui rendait possible cette affaire, qu’il serait bien naïf en n’en profitant pas.

Il hésitait encore. Elle ajouta : — Mais songe donc qu’en vérité c’est Walter qui te les avance, ces dix mille francs, et que tu lui as rendu des services qui valent plus que ça.

— Eh bien ! soit, dit-il. Je me mets de moitié avec toi. Si nous perdons, je te rembourserai dix mille francs.

Elle fut si contente qu’elle se releva, saisit à deux mains sa tête et se mit à l’embrasser avidement.

Il ne se défendit point d’abord, puis comme elle s’enhardissait, l’étreignant et le dévorant de caresses, il songea que l’autre allait venir tout à l’heure et que s’il faiblissait il perdrait du temps, et laisserait aux bras de la vieille une ardeur qu’il valait mieux garder pour la jeune.

Alors il la repoussa doucement : — Voyons, sois sage, dit-il.