Page:Maupassant Bel-ami.djvu/422

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résolue, bien résolue, bien, bien, bien résolue à être ma femme, ma chère, chère petite Suzanne… Je vous… je vous enlèverai !

Elle eut une grande secousse de joie et faillit battre des mains. — Oh ! quel bonheur ! vous m’enlèverez ? Quand ça m’enlèverez-vous ?

Toute la vieille poésie des enlèvements nocturnes, des chaises de poste, des auberges, toutes les charmantes aventures des livres lui passèrent d’un coup dans l’esprit comme un songe enchanteur prêt à se réaliser. Elle répéta : — Quand ça, m’enlèverez-vous ?

Il répondit très bas : — Mais… ce soir… cette nuit.

Elle demanda, frémissante : — Et où irons-nous ?

— Ça, c’est mon secret. Réfléchissez à ce que vous faites. Songez bien qu’après cette fuite vous ne pourrez plus être que ma femme ! C’est le seul moyen, mais il est… il est très dangereux… pour vous.

Elle déclara : — Je suis décidée… où vous retrouverai-je ?

— Vous pourrez sortir de l’hôtel, toute seule ?

— Oui. Je sais ouvrir la petite porte.

— Eh bien ! quand le concierge sera couché, vers minuit, venez me rejoindre place de la Concorde. Vous me trouverez dans un fiacre arrêté en face du ministère de la Marine.

— J’irai.

— Bien vrai ?

— Bien vrai.

Il lui prit la main et la serra : — Oh ! que je vous aime ! Comme vous êtes bonne et brave ! Alors, vous ne voulez pas épouser M. de Cazolles ?

— Oh ! non.

— Votre père s’est beaucoup fâché quand vous avez dit non ?