Page:Maupassant Bel-ami.djvu/81

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Puis, se tournant vers son ami, Forestier ajouta :

— As-tu apporté la suite sur l’Algérie ? Le début de ce matin a eu beaucoup de succès.

Duroy, interdit, balbutia : — Non, — j’avais cru avoir le temps dans l’après-midi, — j’ai eu un tas de choses à faire, — je n’ai pas pu…

L’autre leva les épaules d’un air mécontent : — Si tu n’es pas plus exact que ça, tu rateras ton avenir, toi. Le père Walter comptait sur ta copie. Je vais lui dire que ce sera pour demain. Si tu crois que tu seras payé pour ne rien faire, tu te trompes.

Puis, après un silence, il ajouta : — On doit battre le fer quand il est chaud, que diable !

Saint-Potin se leva : — Je suis prêt, dit-il.

Alors Forestier se renversant sur sa chaise, prit une pose presque solennelle pour donner ses instructions, et, se tournant vers Duroy : — Voilà. Nous avons à Paris depuis deux jours le général chinois Li-Theng-Fao, descendu au Continental, et le rajah Taposahib Ramaderao Pali, descendu à l’hôtel Bristol. Vous allez leur prendre une conversation.

Puis, se tournant vers Saint-Potin : — N’oublie point les principaux points que je t’ai indiqués. Demande au général et au rajah leur opinion sur les menées de l’Angleterre dans l’Extrême-Orient, leurs idées sur son système de colonisation et de domination, leurs espérances relatives à l’intervention de l’Europe, et de la France en particulier, dans leurs affaires.

Il se tut, puis il ajouta, parlant à la cantonade : — Il sera on ne peut plus intéressant pour nos lecteurs de savoir en même temps ce qu’on pense en Chine et dans les Indes sur ces questions, qui passionnent si fort l’opinion publique en ce moment.