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les élèves d’ingres

Singulière malchance du plus habile fresquiste de cette école ! Il avait peint dans le salon d’Armand Bertin, alors directeur du Journal des Débats, deux grands panneaux, la Musique et la Danse, d’un intérêt exceptionnel, qui furent, sacrifiés pour des raisons mesquines. On ne peut les juger que sur les photographies. C’était l’époque où Théodore Chassériau travaillait à la Cour des Comptes. Il semble bien que Victor Mottez ait eu des audaces analogues à celles de son ami, au moins dans l’un des deux panneaux, celui où une ronde de femmes s’éploie dans un majestueux paysage. On regrette d’autant plus la disparition d’ouvrages d’une si ferme élégance qu’à l’intérêt d’art s’en ajoutait un autre, documentaire. Dans la Musique, en effet, figurait, revêtus de costumes antiques, les illustres habitués du salon de Bertin : de Sacy, Reber, Cuvillier-Fleury, Hugo, Théophile Gautier, et des femmes qui furent délicieuses, Henriette Brown, Adèle Hugo, Mesdames Jules Janin, Cuvillier-Fleury, Léon Say, Mottez, etc. — et l’extraordinaire Louise Bertin.

À Lille, autre série, Orphée et les Sirènes, où il faut remarquer le goût très neuf des bordures ornementales. À Londres, où il résida plusieurs années, il peignit sous le titre de la Chasse et de la Pêche des figures de femmes et d’enfants d’une robustesse digne de l’antique.

Les mêmes recherches de style s’affirment dans ses tableaux les plus ennuyeux et dans ses nombreux dessins dont plusieurs sont de toute beauté. Original parfois jusqu’à la gaucherie, il est le seul peut-être des élèves d’Ingres dont on ait pu dire : bons ou mauvais ses tableaux sont de lui, lui seul peut les signer : c’est un bien grand mérite et bien rare[1].

Théodore CHASSÉRIAU


De tous ceux qui quittèrent l’atelier du Maître, c’est celui dont la défection fut la plus absolue et la plus éclatante. Le petit créole admis par faveur dès l’âge de dix ans chez M. Ingres, et que celui-ci désignait alors avec enthousiasme comme le futur Napoléon de la peinture ; ce surprenant

  1. Amaury-Duval : l’Atelier d’Ingres.