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les élèves d’ingres

où subsistaient encore des peintures. On ne trouva pas de quoi les faire rentoiler complètement. Hospitalisés dans les magasins du Musée du Louvre, ces fragments attendent que l’État ou la Ville de Paris apporte enfin à l’initiative privée un concours efficace, pour sauver définitivement et présenter à l’admiration du public cette œuvre si importante dans l’histoire de l’Art Français et de la Peinture décorative[1].

La fatalité qui s’est attachée à ce grand ouvrage a rendu plus évidentes encore par ces ruines effritées les analogies réelles entre l’art de Chassériau et les fresques antiques retrouvées dans les décombres de Pompéi. Les frises, les grisailles, les grandes figures allégoriques, les scènes dramatiques ou sereines, tout dans ces peintures est d’une inspiration grandiose et d’une noblesse dignes des meilleurs classiques. La tonalité murale de la couleur, et bien des arrangements de groupes, l’intention même de certaines figures, ont eu l’influence que l’on sait sur Puvis de Chavannes : et l’aspect des premiers panneaux du Musée d’Amiens est de tous points le même.

S’il est juste, après avoir signalé les décorations de la Cour des Comptes, de prendre un moindre intérêt à l’hémicycle de Saint Philippe du Roule, ou à la chapelle des fonts baptismaux, à Saint-Roch, qui sont trop visiblement inspirés des procédés de Delacroix, il convient de revenir à l’exquise chapelle de Saint-Merry, où Chassériau a donné de sainte Marie Égyptienne une si belle silhouette drapée ; des anges aux purs contours, aux bras ronds, apparaissent victorieusement parmi des scènes, maintenant effacées, qui retraçaient, avec quelle poésie ! la légende de la Sainte : une esquisse au Musée de la Ville, et les descriptions de Gautier en précisent le souvenir.

Le peintre qui, à cette époque lointaine (1843), s’essayait avec toutes les ressources d’une jeunesse fougueuse mais disciplinée, au renouvellement de la peinture murale, était-il conscient de l’évolution d’art qu’il devait déterminer ? On voit mieux maintenant, du recul où nous sommes déjà, le

  1. On a pu en voir deux fragments à l’Exposition de 1900 : il y en a un autre au Musée Carnavalet.

    Plusieurs fragments importants sont maintenant exposés au Louvre (N. de l’É.).