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DÉFINITION DU NÉO-TRADITIONNISME[1]
I

Se rappeler qu’un tableau — avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote — est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.

II

Je cherche une définition peintre de ce simple mot « nature » qui étiquetée et résume la théorie d’art la plus généralement acceptée de cette fin de siècle.

Probablement : le total des sensations optiques ? Mais, sans parler des perturbations naturelles de l’œil moderne, qui ne sait la puissance des habitudes cérébrales sur la vision ? J’ai connu des jeunes gens qui se livraient à une gymnastique des nerfs optiques, fatigante, pour voir les trompe-l’œil dans le Pauvre Pécheur : et ils y arrivaient, je le sais. M. Signac vous prouvera par l’impeccable science que ses perceptions chromatiques sont de toute nécessité. Et M. Bouguereau, si ses corrections d’atelier sont sincères, est intimement persuadé qu’il copie la « nature ».

III

Allez au Musée, et considérez chaque toile à part, en vous

  1. Art et critique, 23 et 30 août 1890. Je n’avais pas vingt ans. J’étais élève de l’École des Beaux-Arts depuis le mois de juillet 1888. Cet article fut signé Pierre-Louis, pseudonyme que j’abandonnai à la demande de M. Pierre Louys, le futur auteur d’Aphrodite.