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DE GAUGUIN ET DE VAN GOGH AU CLASSICISME[1]
À mes chers élèves de l’Académie Ranson.

C’est de la boutique du père Tanguy, marchand de couleurs, rue Clauzel, et de l’auberge Gloanec à Pont-Aven qu’est sortie la grande bourrasque qui vers 1890 a renouvelé l’art français. À Pont-Aven, Gauguin réunissait quelques disciples, Charnaillard, Séguin, Filiger, Sérusier, le hollandais de Hahn : et c’était là cette « pesante école de matières rudimentaires, parmi les gros pichets de cidre »[2]. Chez Tanguy, un ancien de la Commune, un doux rêveur anarchiste, s’étalaient, pour l’édification des plus jeunes, les productions révolutionnaires de Van Gogh, de Gauguin, d’Émile Bernard et de leurs émules, accrochées en désordre à côté des toiles du maître incontesté, de l’initiateur du nouveau mouvement, Paul Cézanne.

Bernard, Van Gogh, Anquetin, Toulouse-Lautrec étaient des révoltés de l’atelier Cormon ; nous fûmes, nous, Bonnard, Ibels, Ranson, Denis, autour de Sérusier les révoltés de l’atelier Julian. Sympathiques à tout ce qui nous paraissait nouveau et subversif, nous allions à ceux-là qui faisaient table rase non seulement de l’enseignement académique mais encore et surtout du naturalisme, romantique ou photographique, alors universellement admis comme la seule théorie digne d’une époque de science et de démocratie. Nous nous retrouvions aux premiers Indépendants, où déjà se faisait sentir l’influence de Seurat et de Signac.

Aux audaces des impressionnistes et des divisionnistes,

  1. L’Occident, mai 1909.
  2. J.-E. Blanche.