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LE SALON DU CHAMP-DE-MARS
L’EXPOSITION DE RENOIR
[1]
(1892)

Il n’est pas dans notre pensée de décrire ni d’apprécier les œuvres d’art exposées au Salon du Champ-de-Mars : c’est une besogne assez inutile dont nous n’osons nous charger. Dirions-nous, par exemple, que Puvis de Chavannes, Whistler, Carrière, sont d’admirables maures ! Personne ne le nie. Nous aimons mieux faire cette remarque, qu’on les voudrait voir en des milieux plus discrets et plus calmes ; et que s’il y a de très belles toiles, elles sont fort mal entourées. En particulier, la jeune école impressionniste ou luministe nous semble abuser, pour exprimer la lumière, d’une série de tons plutôt vulgaires, les mêmes qu’emploie depuis fort longtemps M. Carolus Duran au coloriage de draperies d’une déplorable intensité. Cette jeune école est terriblement bruyante : qu’elle s’adresse à M. Whistler pour apprendre à manier les gris ; ou bien qu’elle revienne à la mode déjà surannée de la couleur crayeuse et qu’elle imite M. Puvis de Chavannes.

Aussi bien, s’il est vrai qu’on appelle « jeunes », les artistes qui imitent les maîtres les plus récents[2], le Salon du Champ-de-Mars est proprement le Salon des jeunes. Une foule de choses aimables y requièrent l’attention, des coins de tableaux, parfois des tableaux tout entiers ; mais on les a déjà vus. — Comme ce très précieux Chavannes, un des meilleurs assurément, trois femmes dans un paysage terne, qui est signé d’un autre nom. — Ici, les peintres se groupent aisément en écoles : il y a l’école de Besnard, l’école de Car-

  1. La revue Blanche, 25 juin 1892. Article signé Pierre L. Maud.
  2. Cette définition est de M. Lucien Muhlfeld.