Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/168

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— Oh ! pas une ; mais il y a des quenottes terribles.

— Regarde donc cette blonde avec son front grec et son nez légèrement courbé, comme elle est jolie, quel rayonnement !

C’est Raffaella, une jeune fille à marier, pas un sou de dot, avec un bébé en nourrice qui ne lui a rien ôté de son air virginal ; sa mère est cette grosse femme à côté qui ressemble à un crapaud sur une pierre.

— Ah ! je n’avais pas vu cette brune dont la bouche forme un relief si charmant, avec ses joues pleines et d’un blanc mat, avec ses yeux d’un noir velouté ; qu’elle est belle !

— C’est Juliette Sénéchal, encore une fille à marier, à moins qu’elle ne prenne un amant, ainsi que son père le lui conseille.

— Oh ! vois donc l’étrange fille avec ses cheveux couleur d’acajou.

— Cette fille est une femme, c’est la baronne de Bois-Baudran trois fois mariée, en Angleterre, à New-York, à Genève, avec trois maris vivants et bien portants. Elle est à côté d’une Espagnole que je ne voudrais pas rencontrer au coin d’un bois.

— Comment cela ?

— Elle tient sous la terreur ce grand et beau jeune homme à barbe blonde que tu vois debout contre la croisée. Ce malheureux garçon, passant à Burgos, s’avisa de faire la cour à la fille de son hôtesse, et il eut assez de son bonheur au bout d’un mois. Voulant éviter des explications et des larmes, il partit furtivement un beau matin pour Paris, en abandonnant son Ariane ; mais, un beau soir, en rentrant chez lui, il reçoit un coup de pistolet dans son paletot. C’était la belle Espagnole qui avait retrouvé son fugitif et se rap-