Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/169

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pelait ainsi à son souvenir. Blessure grave, attentat flagrant, procès en cour d’assises, acquittement de la belle par des jurés galants.

— Et elle a reconquis son amant ?

— Parfaitement, et il vit depuis ce moment avec elle sous menace de mort en cas de désertion.

— Et cette dame à sa gauche ?

— Enfant, ne la regarde pas : si tu venais à l’aimer, tu serais perdu.

— Pourquoi cela ?

— On est heureux avec elle, mais on en meurt, et j’en sais qui en mourront sachant qu’ils en mourront.

— Quelle femme ! la comtesse ne vous tue que lorsqu’elle a intérêt à se débarrasser de vous ou bien qu’elle vous aime.

— Alors je ne vois pas comment on peut échapper ; et parmi les femmes d’un certain âge, quelle est cette matrone imposante qui parle à Raffaella ?

— Ah ! si Raffaella l’avait connue un an plus tôt, elle n’aurait pas eu son enfant.

— Qu’est-ce que cela veut dire ?

Mme  de Valmont, c’est son nom…

— Comme dans les liaisons dangereuses ?

— Elle rend les liaisons sans danger, sage-femme du plus haut renom elle n’accouche jamais personne ; elle affranchit l’amour de ses fruits et ne lui laisse que la fleur.

Comme tu le vois, il y a des femmes problématiques comme des hommes problématiques. Regarde cette vieille dame qui ressemble à une idole indoue, derrière Mme  de Valmont ; elle n’a pas de fortune, pas de mari, pas de fille à marier ; je la retrouve dans presque toutes les soirées du même genre. Que fait-elle ? Quel est son