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Mme  de Nerval avait eu une fille de son premier mari. Après la mort de sa mère, arrivée en 1864, Mme  Blanche de Nerval avait recueilli dans sa succession toute la fortune de Daniel Bernard, évaluée à près de cinq millions.

Mais Daniel Bernard avait un passé que personne ne connaissait, pas même sa femme. Avant de venir à Paris, il portait un autre nom, et il était marié. Fils d’un brasseur de Colmar, il avait épousé dans cette ville, en 1842, une jeune fille qu’il avait abandonnée le surlendemain de ses noces dans les circonstances les plus étranges. Un homme avait été trouvé tué d’un coup de feu dans le jardin de la maison où demeuraient les époux ; la jeune femme était évanouie dans son lit et le mari avait disparu.

Que s’était-il passé ? L’époux avait-il acquis la preuve de l’infidélité de sa femme ? avait-il surpris un flagrant délit ? quelque coïncidence fatale l’avait-elle trompé ? On ne put jamais le savoir, car la jeune femme demeura pendant deux ans entre la vie et la mort, et il fut impossible de la faire parler quand elle fut rétablie, car elle avait perdu la raison.

Une seule chose demeura hors de doute, le nom du meurtrier qui était bien le mari de la jeune femme et s’appelait Karl Elmerich. Quant à la victime, c’était un étranger sur lequel on ne trouva aucun papier et dont l’identité ne put même pas être établie d’une manière certaine.

Huit mois après ce tragique événement, qui avait fait grand bruit dans les journaux, une malheureuse jeune femme, recueillie dans un hospice de Valenciennes, où elle était arrivée en fugitive, donnait le jour à un enfant qui fut élevée par charité dans un asile. Sa