Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/195

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malheureuse mère, qui mourut quelques mois après, en prenant Dieu à témoin de son innocence devant le prêtre qui lui administra les derniers sacrements, n’avait pas cru devoir priver son fils du nom qui lui appartenait. L’enfant avait été inscrit sur les registres de l’état civil sous le nom de Karl Elmerich.

Karl Elmerich était donc le fils légitime de Daniel Bernard, qui avait changé de nom et épousé plus tard, en Amérique, Mme de Nerval. Karl Elmerich était donc l’héritier authentique, incontestable de l’immense fortune que son père, surpris par la mort, à Paris, avait laissée sans avoir fait de testament.

Maintenant, comment le secret de cette naissance et de cette succession avait-il été surpris par Doubledent ? C’était par un concours de circonstances non moins étranges.

En 1842, Doubledent était principal clerc chez Me Janodet, notaire à Colmar, qui avait fait le contrat de mariage des époux Karl Elmerich. Au mois d’août de l’année suivante, un incendie, qui fut attribué à la malveillance, se déclara dans la maison du notaire Janodet, et l’appartement où il demeurait devint la proie des flammes avant qu’on pût arrêter les progrès de l’incendie : Doubledent se trouvait là, pendant qu’au milieu d’une confusions inexprimable on jetait par la fenêtre, pour les sauver, toutes les liasses, tous les cartons que pouvait contenir l’étude du notaire.

Le malheureux officier ministériel était en tournée et son principal clerc, soupçonné d’avoir mis le feu à la maison, était un coquin qui put détourner sans peine, au milieu d’une montagne de papiers, un carton qu’il savait devoir contenir les minutes les plus précieuses de l’étude ; mais, dans son empressement, il se trompa et