Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/199

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battit les cafés, les brasseries, les hôtels garnis, mit à ses trousses un agent de la Préfecture de Police de ses amis ; il découvrit enfin Karl dans un hôtel de la rue Hautefeuille, séparé par le boulevard Saint-Michel de la pension du père Lamoureux, où il allait prendre ses repas.

Or, on se rappelle que Doubledent comptait deux amis intimes, deux auxiliaires, parmi les pensionnaires de la rue Saint-Jacques : l’abbé Ecoiffier et Lecardonnel. Il était en rapport avec ces deux compères qui lui étaient tout dévoués. C’est par eux que Doubledent avait obtenu tous les renseignements qui lui étaient nécessaires sur Georges Raymond, et l’on s’explique maintenant les manœuvres des deux escogriffes autour du jeune compositeur et de son ami.

Il s’agit de savoir à présent comment Doubledent, qui avait une toile d’araignée tendue dans la pension du père Lamoureux, en avait tissé une autre autour du vicomte d’Havrecourt. Un mot suffira.

Doubledent joignait à ses aptitudes contentieuses la profession d’usurier. Il avait trouvé le moyen de se glisser dans l’entourage de quelques fils de famille besogneux ; mais comme ses ressources financières étaient trop restreintes pour qu’il pût développer pour le moment ce genre d’industrie, il s’était appliqué, tout en prêtant çà et là quelques billets de mille francs, à étudier avec le plus grand soin les jeunes gens que le hasard lui avait fait rencontrer.

Le vicomte d’Havrecourt, qui s’était offert un des premiers à sa vue, l’avait frappé par ses allures audacieuses et sa perversité précoce. Il l’avait jugé capable de faire un grand chemin. Il lui avait fait prêter quelque argent par un de ses compères, et au bout d’un