Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/248

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les intérêts de Karl que je ne puis laisser sacrifier sans rendre coupable de la dernière trahison. Si j’agissais ainsi, je serais aussi infâme que si j’abusais du dépôt sacré que tu m’as confié.

Hector fronça le sourcil avec une étrange dureté, puis sa figure se rasséréna de nouveau.

— Tu es un simple imbécile, dit-il à Georges. Qui est-ce qui te parle de trahir les intérêts de ton ami Karl Elmerich ? Mais, tout en étant dévoué à ses intérêts, tu ne peux pas vouloir pour lui des choses impossibles, ni te casser le nez bêtement en voulant enfourcher je ne sais quel dada chevaleresque.

Toutes les choses de ce monde doivent être envisagées par leurs côtés les plus simples et les plus pratiques. Est-ce que tu crois par hasard que ton ami Karl, qui ne doit pas seulement avoir en ce moment de quoi payer ses notes de blanchissage, ne s’estimera pas trop heureux de recevoir trois ou quatre cent mille francs qui lui tomberont du ciel comme la manne des Hébreux ?

— C’est le marché de Doubledent que tu m’offres là ?

— Sans doute, dit Hector froidement. Tout homme d’affaires que tu es, tu me fais l’effet en ce moment de ne pas comprendre un mot de la situation. Tu as l’air d’opposer ici une résistance comme si tu pouvais empêcher quelque chose ; et comme si moi-même je n’étais pas sous la dépendance absolue de l’homme qui tient toute cette affaire dans sa main.

Tu as vu Doubledent, mais tu ne sais pas ce qu’il est. Il te briserait comme un enfant si tu essayais de lutter avec lui, et moi-même je ne le tenterais pas.

Et quand cet homme, maître d’une situation qu’il exploite, peut, par son intervention, me faire faire un