Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/273

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ment rien ; mais elle avait été flattée malgré elle de ce dernier hommage rendu à sa beauté, et elle voyait sans défaveur les espérances du vicomte, espérances qu’elle avait devinées depuis longtemps comme elle avait deviné l’amour de Mlle  de Nerval pour Hector.

Décidé à jouer le tout pour le tout ce soir même, c’était une bonne fortune inespérée pour le vicomte que de se trouver un instant seul avec Mme  de Dammartin.

— Qui est-ce qui vous amène ainsi furtivement dans ce jardin, où j’ai eu la fantaisie de montrer mes rides au soleil en attendant le retour de M. de Marcus et de sa nièce ? dit Mme  de Dammartin pendant qu’Hector s’inclinait devant elle avec des marques d’admiration muette.

Au mot de rides, il avait fait un geste comme pour dire : Quel sacrilège !

Hector raconta en quelques mots son accident de voiture et ce qui s’y rattachait.

— Comme vous le voyez, madame, c’est presque un conspirateur qui vient se cacher ici, et dans quel lieu ! en quel moment ! On dirait que le sort se joue de moi en me ramenant dans cette maison que je ne devais plus revoir.

— Que voulez-vous dire ? fit la noble dame remarquant l’accent tragique que le vicomte avait affecté afin de pouvoir mener vivement les choses.

— Vous me pardonnerez, madame, vous pour qui j’ai conçu un respect si profond, puisque c’est le seul culte qui me soit permis auprès de vous ; mais les circonstances de ma vie sont telles en ce moment que je dois parler : je ne devais plus revenir dans cette maison puisque j’y ai perdu mon repos, ma vie, mon âme