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vers une heure, se rappelant qu’il avait donné rendez vous pour cette heure-la à Doubledent. Mais Doubledent ne vint pas, et Georges pensa à Mlle  de Nerval.

Au milieu de ses préoccupations, il avait presque oublié Isabeau.

Ce n’est pas que cette femme étrange n’eût fait une profonde impression sur lui. Il lui devait les premiers transports de passion qu’il eût encore éprouvés de sa vie. Il ne pouvait songer sans ivresse au bonheur qu’il avait goûté dans ses bras. Elle était maîtresse de son imagination et de ses sens, mais son âme appartenait à Mlle  de Nerval.

Étourdi par les secousses violentes de l’avant-veille, il ne s’était excusé que le lendemain par un billet assez court de n’avoir pu venir chez Isabeau, et il ne l’avait pas revue depuis trois jours.

Assis dans son cabinet, auquel il avait fait subir d’élégantes modifications depuis son héritage, et tisonnant devant son feu, le jeune avocat rêvait à toutes ses aventures, quand un coup de sonnette assez impérieux retentit.

— C’est Doubledent ! pensa aussitôt Georges Raymond, et il ramassa toutes ses forces pour la nouvelle lutte qu’il s’attendait à soutenir contre Pagent d’affaires : mais avant qu’il eût eu le temps de se faire une contenance, le frôlement d’une robe de soie se fit entendre, accompagné d’un petit pas rapide, et Isabeau, le visage couvert d’un voile épais, entra dans son cabinet précédant la veuve Michel qui n’avait pas eu le temps de l’annoncer.

— Il paraît que vous ne vous gênez pas, mon cher, quand vous donnez des rendez-vous, dit la comtesse de Tolna en détachant rapidement sa voilette et en lais-