Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/287

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— Non, laissez-moi, ou plutôt donnez-moi le moyen de quitter à l’instant même cette vie désormais odieuse.

— Honoré, pouvez-vous proférer un semblable blasphème ! disait Mlle  de B***, en religion sœur Victoire.

— Ô mon Dieu ! fit le comte en joignant les mains avec une ferveur religieuse qui se ranima presque aussitôt, vous qui êtes mort sur la croix, donnez-moi le courage de supporter cette dernière épreuve.

Puis, changeant de ton et s’adressant à sa femme et à sa belle-sœur :

— N’est-ce pas votre faute aussi, à vous qui, en me vantant ce misérable jeune homme, m’avez fait prendre en lui une confiance que je n’avais pas. J’ai manqué de prudence, j’ai été puni par où j’ai péché. Mais où est-il, ce vil coquin qui restait ici pour aller vendre mes secrets à la police pendant que je le croyais sur la route de Bruxelles ; qu’on aille me le chercher, qu’on me le trouve de suite !

Et le vieillard faisait un effort désespéré pour se soulever de son fauteuil tandis que la comtesse allait donner des ordres à l’office.

Par le plus grand des hasards, le domestique qu’on envoya à la recherche de d’Havrecourt le rencontra rue du Bac, quelques instants après sa sortie de chez M. de Marcus.

Il courut après lui :

— M. le comte fait chercher monsieur depuis une demi-heure. Que monsieur vienne en toute hâte, dit le valet de chambre encore en émoi.

— Le comte me fait chercher, se dit d’Havrecourt. Comment sait-il que je suis encore ici ?

— Qu’avez-vous donc et que s’est-il passé ? demanda-t-il en consultant la figure du valet de chambre.