Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/305

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histoire dans laquelle je joue d’ailleurs le rôle d’une dupe ; j’aurais eu l’air de reculer devant son défi, et quand il m’a si mortellement insulté pouvais-je ne point me battre ? Non, non, j’ai bien fait. Je lui écrirai une lettre qu’il recevra après le duel. Elle expliquera ma conduite ainsi que ma véracité.

Quant à Hector, dans les dispositions d’esprit où il se trouvait, il ne douta pas et ne voulut pas douter un instant de la culpabilité de Georges Raymond.

Il se rappela la dissimulation dont il avait été capable sur l’affaire de Karl Elmerich, sur la démarche de Doubledent. Et quand il lut, dans la lettre de Georges, l’allusion transparente qui s’y trouvait à Mlle  de Nerval, il y vit la confirmation éclatante de ce que lui avait dit Doubledent relativement à l’amour de Georges pour la jeune fille.

Enfin, c’était évidemment Georges lui-même qui avait adressé au comte de B*** les renseignements anonymes que ce dernier lui avait jetés au visage.

Bref, Georges lui apparut comme le fourbe le plus complet qu’il eût encore rencontré. Et, pour comble, il osait le défier sur le chapitre de son mariage, cette dernière chance de salut qu’il voyait s’évanouir !

Hector n’était pas de ces hommes qui tentent de se faire illusion dans une situation désespérée. Il savait fort bien qu’ébruitée, l’aventure du coffret rendait son mariage impossible, parce qu’il ne pourrait jamais se justifier d’une de ces infamies exceptionnelles que le monde ne pardonne pas. Dans cette position affreuse il ne songea même pas à aller voir Doubledent. Il connaissait trop le terrible compère pour ne pas être certain qu’il l’abandonnerait du premier coup, dès qu’il saurait la vérité. Il entendait la voix mordante de cet