Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/310

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comme elle tenait essentiellement à ce qu’aucun de ses gens n’entendît les paroles étranges qui pouvaient s’échanger, elle se leva :

— Rebecca ! dit-elle, allez prévenir la comtesse que je ne pourrai pas dîner avec elle ce soir ; et vous, Jean, portez cette lettre à M. le marquis Saporta. De suite, tous les deux.

Et maintenant, sans phrases, que voulez-vous dire, monsieur ? fit la comtesse en rentrant dans la chambre et en regardant Georges Raymond de l’air le plus hautain du monde.

— Sans phrases, répondit Georges Raymond en écoutant dans l’escalier le pas des domestiques qui s’éloignaient, combien vous a rapporté ce coffret que vous êtes allé vendre hier à la police ?

— Misérable ! s’écria Isabeau cherchant du regard autour d’elle, c’est avec une cravache qu’on vous répondra !

— Des injures, de la violence ! Ah ! vous tombez bien, dit Georges en s’élançant comme un tigre pour mettre le verrou à la porte ; vous avez renvoyé vos domestiques, j’en profiterai, et il repoussa d’un geste si violent la comtesse qui se précipitait en criant vers la porte, qu’elle tomba sur les genoux.

Ah ! des outrages ! j’en suis assez abreuvé depuis qu’abusant de la confiance d’un malheureux qui vous aimait, vous êtes venue comme une infâme, à l’aide du piége le plus vil, ravir un dépôt qui avait été confié à mon honneur et dont la révélation peut avoir les conséquences les plus fatales.

Appelez-moi misérable, vous avez raison, je le suis en effet, aux yeux de ceux qui ne me connaissent pas, depuis que votre trahison me désigne à tous les yeux