Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/334

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serait donc cette demoiselle de Nerval, dont il est question dans cette lettre ; il ne m’en a jamais parlé. Et, ce matin, pourquoi est-il parti si troublé m’annonçant un voyage prolongé, me demandant ce que je voulais abandonner sur ma succession ? Oh ! mon Dieu !

L’abominable agent d’affaires avait compté pour le succès de cette machination sur l’inexpérience de Karl, sur la surprise du premier moment, et il ne s’était pas trompé.

Il avait calculé l’influence déjà produite sur cette jeune âme par le travail souterrain de ses deux affidés. Il savait que d’Havrecourt rejetait sur Georges Raymond toute la responsabilité de l’enlèvement du coffret, et que Georges Raymond, publiquement soupçonné d’une pareille infamie, pouvait être accusé de tout.

Quand un homme est réduit au désespoir, tout le monde peut le frapper impunément, on ne discute plus la calomnie ; personne ne connaissait mieux que Doubledent cette loi implacable du monde. Il n’hésita donc pas, vu les circonstances, à fabriquer cette lettre au sujet de laquelle un mot d’explication suffira.

Doubledent avait, comme on se le rappelle, des relations ténébreuses avec une foule de petites gens dont il obtenait ce qu’il voulait. Le facteur qui faisait le service dans la section du quartier que Georges Raymond habitait était un de ses affidés. Il avait suffi à Doubledent de jeter à la poste la lettre que nous avons lue et il se l’était fait remettre de la main à la main par le facteur.

L’abbé Ecoiffier qui, depuis trois jours, avait loué furtivement un cabinet dans l’hôtel pour surveiller Karl de plus près, s’était glissé dans la chambre du