Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/46

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hommes la même distance que celle de la force physique entre les animaux. Sous ce rapport un homme peut être à un autre homme ce qu’un rat ou une belette est à un lion. Cette vérité est inébranlable ; elle est d’ailleurs assez sinistre, c’est pour cela qu’on ne la crie pas par-dessus les toits. Et maintenant bouleversez une société de fond en comble, nivelez tout ce qui a été construit à sa surface, faites-y passer la charrue et semez du sel, décrétez la loi agraire et l’égalité absolue, ramenez l’homme à l’état de larve, la société à l’état de peuplade primitive. Si ce niveau égalitaire était possible une minute, la minute d’après, la force morale, inégalement répartie entre les hommes, aurait refait de pied en cap la hiérarchie politique et les catégo­ries sociales.

On peut décomposer tous les actes de la vie humaine, on y trouvera le même jeu de la force morale. Dans toutes les circonstances critiques, à la guerre, dans une assemblée, l’énergie de quelques hommes entraîne le reste. Dans le mouvement régulier de la vie, toujours l’action persévé­rante de la volonté triomphe. De deux hommes qui vivent ensemble, celui qui a le plus de caractère mène l’autre. De dix hommes réunis, le mieux trempé mène les autres.

Il n’y a pas plus moyen de se révolter contre cette loi-là que contre les lois de la pesanteur, l’attraction et la gravita­tion des corps. Au fond les rapports entre les hommes se règlent donc sur les aptitudes