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Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/79

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la querelle pour laquelle ils se font tuer ! Pas un, et s'il y en avait d'aventure, ils ne se feraient pas moins tuer, ce qui est encore plus extraordinaire. Il n'en est pas non plus qui aient personnellement le moindre motif de haine contre ceux qu'ils tuent. Se peut-il concevoir quelque chose de plus désintéressé que cette manière d'agir ? Il y a là-dedans un spiritualisme qu'on appelle l'honneur, la patrie, l'amour de la gloire ; proposez des mobiles purement matériels à ces braves gens, vous n'en ferez rien.

Il y a deux cents ans, les hommes se battaient pour une religion dont ils ne comprenaient pas les dogmes et dont le plus souvent ils ne suivaient pas les préceptes ; on se battait pour la foi ! Qu'on le sache bien, il ne faut pas moins de spiritualisme pour se battre aujourd'hui.

Au seizième siècle, on vit se constituer, sous la protection du Saint-Siège, une société formidable qui existe encore, quoiqu'elle soit déchue de sa puissance. Cette société comptait à peine cent ans d'existence, que déjà elle remplissait le monde du souvenir des grandes choses qu'elle avait faites, et des épreuves qu'elle avait subies. Nul ordre religieux ne produisit autant d'hommes distingués dans tous les genres, aucun n'étendît ses travaux sur un plus vaste espace, et cependant jamais on ne vit une plus parfaite unité d'action et de sentiment.

Dans toutes les régions du globe, dans toutes les carrières ouvertes à la vie active ou intellectuelle, on rencontrait des jésuites ; ils dirigeaient les conseils des rois, déchiffraient les inscriptions latines, observaient les mouvements des satellites de Jupiter, et remplissaient les bibliothèques du monde d'ouvra-