Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/80

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ges de controverse, de casuistique, d'histoire, de traités d'optique, d'odes alcaïques, d'éditions des Pères de l'Église, de catéchismes, de madrigaux et de pamphlets. Leur vie était un miracle d'activité et de dévouement. Le jésuite traversait les pays protestants sous le déguisement d'un brillant cavalier, d'un simple paysan ou d'un prédicateur puritain ; il parcourait les contrées que n'avait jamais explorées l'avidité du commerce ou la curiosité du touriste. On le trouvait sous la robe d'un mandarin dirigeant l'observatoire de Pékin ; on le voyait, la bêche à la main, enseigner les éléments de l'agriculture aux sauvages du Paraguay.

Un jésuite ne choisissait ni ses fonctions ni le lieu de sa résidence. Passer sa vie sous le pôle arctique ou sous l'équateur, employer son temps à classer des pierres précieuses et à collectionner des manuscrits au Vatican, ou à enseigner aux sauvages de l'hémisphère méridional à ne point se manger entre eux : c'étaient là des questions qu'un jésuite abandonnait avec une profonde soumission à la décision de ses chefs. Si l'on avait besoin de lui à Lima, le premier bâtiment partant pour l'Atlantique le recevait bientôt à son bord ; le réclamait-on à Bagdad, il traversait le désert avec la première caravane ; sa présence était-elle nécessaire dans quelque pays où sa vie fût plus exposée que celle d'un loup, où lui donner asile était un crime, et où les têtes et les membres de ses frères, suspendus aux places publiques, indiquaient