Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blessés, ce n'est pas la différence des pertes entre les deux armées qui décide de la victoire ; mais d'un côté l'audace, la confiance, le courage qui vont croissant et multiplient les forces, tandis que de l'autre côté tous ces éléments moraux en se désorganisant entraînent la déroute.

Les résultats d'une victoire seraient presque toujours annulés si l'armée qui a perdu son champ de bataille pouvait recommencer l'affaire un peu plus loin avec la même somme d'énergie qu'au commencement.

Cette force morale a de tout temps défendu les petits peuples et les petites armées contre la supériorité du nombre et des masses. Les peuplades grecques, divisées, déchirées par des dissensions intestines, sans armées permanentes, sans unité de commandement, ont tenu en échec pendant des siècles toutes les forces militaires de la civilisation asiatique qui ne put jamais soumettre ces indomptables populations. On a vu en 1814 les légions du Premier Empire, victorieuses sur tous les champs de bataille de l'Europe, fondre comme neige en Espagne devant des bandes de guérillas. De nos jours, une poignée de soldats anglo-français sont entrés en vainqueurs dans la capitale d'un royaume asiatique de cent millions d'hommes.

La politique a inventé en ce temps-ci une théorie qui consiste à conquérir les petits peuples sous prétexte de les défendre. Si ces petits peuples savaient