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Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/88

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seconde main, s'est rendu singulièrement célèbre par sa dissimulation, c'est Monck, homme médiocre au demeurant ; son impénétrabilité et son flegme imperturbable servirent mieux sa fortune que la plus haute capacité politique.

Transfuge de l'armée royale et créature de Cromwell, il trompa tous les partis jusqu'au jour de la Restauration, avec un art qui n'a jamais été dépassé. Non content de rompre avec quiconque avait la réputation d'être attaché aux Stuarts, il dénonçait au Protecteur toutes les menées des cavaliers. Il lui envoya jusqu'à une lettre qu'il avait reçue du roi par une voie secrète. Cromwell n'était point dupe, mais que faire avec un homme qui jouait son jeu aussi irréprochablement ? Il lui écrivit un jour par forme de plaisanterie, dans un post-scriptum : « J'entends dire qu'il y a en Écosse un certain drôle fort rusé, que l'on appelle George Monck, lequel n'attend que le moment d'ouvrir la porte à Charles Stuart ; je vous prie de faire tous vos efforts pour mettre la main sur cet individu et me l'envoyer aussitôt. » — C'est ainsi que jouent les tigres.

Cromwell tombe, Monck reste immobile et ne paraît occupé qu'à se maintenir dans son commandement. Richard tombe, et Monck se soumet au Parlement avec la même docilité ; il fait plus : il proteste contre la violence de l'armée qui avait chassé l'assemblée. Son frère lui-même, ecclésiastique non suspect, étant allé le voir en Écosse pour lui remettre