— Oui. Moi, je suis venue à Quillebeuf, comme vous l’avez appris par ma signature. Mon mari me rendait compte…
— Et par la suite ?
— Il ne m’a plus rien dit. Il se défiait de moi.
— Pourquoi ?
— Parce que je m’étais reprise et que je le menaçais de tout dire à Catherine. D’ailleurs, nous vivions de plus en plus éloignés l’un de l’autre. Cette année, quand je suis venue ici avec Catherine, en vue de son mariage, c’était, dans mon idée, une séparation définitive. L’arrivée de mon mari deux mois après m’a surprise. Il ne m’a rien dit de son affaire avec Fameron, et je ne sais pas qui l’a tué, et pourquoi on l’a tué. »
Elle frissonnait. Le souvenir du crime la bouleversait de nouveau, et elle eut un accès de désespoir et de terreur qui la rejeta vers Raoul.
« Je vous en prie… je vous en prie… supplia-t-elle, aidez-moi… protégez-moi…
— Contre qui ?
— Contre personne… mais contre les événements… contre le passé… Je ne veux pas qu’on sache ce qu’a fait mon mari, et que j’ai été sa complice… Vous qui avez tout découvert, vous pouvez empêcher cela… Vous pouvez tout ce que vous voulez… J’ai l’impression d’une telle sécurité près de vous ! Protégez-moi. »
Elle appuyait la main de Raoul sur ses yeux mouillés, sur ses joues couvertes de larmes.
Raoul fut troublé. Il la redressa. Le beau visage de Bertrande se trouva près du sien, visage tragique et déformé par l’émotion.
« Ne craignez rien, murmura-t-il, je vous défendrai.
— Et puis vous ferez la lumière, n’est-ce pas ? Tout ce mystère pèse sur moi. Qui a tué mon mari ? Pourquoi l’a-t-on tué ? »