Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/135

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quatre, et se mit à danser une danse échevelée, composée des pas et des gestes les plus hétéroclites, et accompagnée de petits cris aigus, pareils à ceux des mouettes qui se balançaient au-dessus de l’eau.

« Eh bien, quoi, tu es fou ! » s’exclama Béchoux.

Raoul l’empoigna par la taille, le fit tourbillonner, puis le souleva du sol, et l’allongea sur ses bras tendus en l’air.

Catherine et Bertrande riaient et s’ébahissaient. D’où lui venait cette force subite, à lui qui semblait, depuis le matin, exténué par la dure épreuve ?

« Alors, dit-il en les entraînant, vous vous imaginiez que j’allais croupir dans le coma durant des jours et des jours ? Finie, la débâcle. Elle était même finie au manoir, après ma tasse de thé et mes deux heures de sommeil. Fichtre ! si vous croyez, mes jolies amies, que je vais perdre mon temps à jouer les jeunes accouchées. À l’œuvre ! Et d’abord mangeons. J’ai une de ces faims ! »

Il les mena tous trois dans une taverne réputée où il fit un repas à la Gargantua, et jamais elles ne l’avaient vu si plein de verve et d’esprit. Béchoux lui-même en était confondu.

« Tu as rajeuni dans ta tombe ! s’écria-t-il.

— Faut bien compenser ton ramollissement, mon vieux Béchoux, dit Raoul. Vrai, durant toute cette crise, tu as été pitoyable. C’est comme pour conduire l’auto, quelle mazette tu fais ! Tantôt, je tremblais de peur. Tiens, veux-tu que je te donne une leçon ? »

La nuit était venue quand ils remontèrent en voiture. Cette fois, Raoul prit le volant, et fit asseoir Béchoux près de lui, les deux sœurs au fond.

« Et surtout, dit-il, qu’on ne s’effraie pas ! J’ai besoin de me dégourdir, et plus on avancera, mieux ça vaudra. »