Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

De fait, l’auto parut bondir, et tout de suite s’élança sur les rues pavées et sur la route qui mène à Harfleur. Une longue côte s’aplanit devant eux, et ce fut sur le plateau cauchois une trombe qui passa. On traversa le bourg de Saint-Romain et l’on prit la route de Lillebonne.

Parfois Raoul lançait un chant de triomphe ou apostrophait Béchoux.

« Hein, mon vieux, ça t’épate ? Pour un moribond je ne vais pas mal. Voilà, Béchoux, comment conduit un gentilhomme. Mais peut-être as-tu la frousse ? Catherine ! Bertrande ! Béchoux a la frousse. Préférable de stopper, en ce cas, qu’en dites-vous ? »

Il tourna sur la droite, avant que l’on s’engageât dans la longue descente de Lillebonne, et se dirigea vers une église dont le clocher jaillissait sous la lune et au milieu des nuages.

« Saint Jean-de-Folleville… vous connaissez ce village, hein, Bertrande et Catherine ? Vingt minutes à pied de la Barre-y-va. J’ai préféré surgir par en haut, pour qu’on ne nous entende pas venir par la route de la Seine.

— Qui, on ? demanda Béchoux.

— Tu vas le voir, bouffi. »

Il rangea sa voiture le long d’un talus de ferme, et ils suivirent le chemin vicinal qui dessert le château et le hameau de Basmes, le bois de la mère Vauchel et le vallon de Radicatel. Ils marchaient doucement, avec précaution. Le vent soufflait, et des nuages peu épais voilaient la lune.

Ils arrivèrent ainsi tout en haut de l’enceinte, non loin des ronces où Raoul, l’avant-veille, avait couché l’échelle. L’ayant retrouvée, il la dressa contre le mur, monta et observa le parc. Puis il appela ses compagnons.

« Ils sont deux qui travaillent, leur dit-il à voix basse. Je n’en suis pas trop surpris. »