Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/156

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L’ennemi avait donc en réserve une arme secrète qui l’autorisait à dicter ses conditions jusqu’à un certain point ? Il s’inclina sur lui et tout bas :

« Du chantage, hein ? À quel titre ? Sur quoi t’appuies-tu ? »

Arnold murmura :

« Les deux sœurs vous aiment. Charlotte, qui est une fine mouche, a ses preuves. Il y a souvent des querelles très vives à votre propos. Elles n’en connaissent pas la raison, elles ne savent même pas ce qui se passe en elles. Mais un seul mot peut les éclairer, et elles deviendraient ennemies mortelles. Dois-je le dire, ce mot ? »

Raoul fut près de lui envoyer un coup de poing vigoureux en signe de châtiment. Mais il sentit la vanité d’un tel geste. Et puis, au fond, la révélation du domestique le troublait infiniment. Les sentiments des deux sœurs ne lui étaient pas inconnus. Le matin même, Bertrande l’avait embrassé avec une ardeur dont il ne pouvait ignorer la cause, et il avait eu souvent l’impression de toute la tendresse amoureuse que lui portait Catherine. Mais c’étaient là de ces choses profondes, de ces émotions confuses qu’il laissait volontairement dans l’ombre, de peur d’en altérer la douceur et le charme.

« N’y pensons pas, se dit-il. Tout cela se flétrirait au plein jour. »

Et il s’écria gaiement :

« Ma foi, monsieur Arnold, vos arguments ne manquent pas de valeur. En quoi était votre grand chapeau ?

— En toile, ce qui me permettait de le mettre dans ma poche.

— Et vos énormes sabots ?

— En caoutchouc.

— Ce qui vous permettait de marcher sans bruit et de les faire glisser par les orifices où se glissait votre buste d’acrobate ?