Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/180

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« Je lui ai tout raconté. Elle m’a pardonné… elle est si bonne ! C’est comme pour ces richesses, qui lui appartiennent à elle seule puisque notre grand-père le voulait ainsi, elle refuse… elle veut partager… »

Raoul n’écoutait pas. Il observait le mouvement des lèvres et ce beau visage ardent, tout frémissant de passion contenue.

« Vous ne partirez pas, Bertrande… je ne veux pas que vous partiez…

— Il le faut… » dit-elle, comme avait dit sa sœur.

Et il répéta :

« Non, je ne veux pas… je vous aime, Bertrande. »

Elle sourit tristement.

« Ah ! vous avez dit aussi à Catherine que vous l’aimiez… et c’est vrai… et il est vrai aussi que vous m’aimez… et que vous ne pouvez pas choisir… C’est au-dessus de vos forces… »

Et elle ajouta :

« Et ce serait peut-être au-dessus de nos forces, Raoul, si vous aimiez l’une de nous. L’autre souffrirait trop. Nous sommes plus heureuses ainsi.

— Mais moi, je suis plus malheureux… malheureux pour deux amours perdues…

— Perdues ? »

Il ne comprit pas d’abord sa question. Leurs yeux s’interrogeaient. Elle sourit, mystérieuse et captivante. Et il l’attira vers lui, sans qu’elle résistât…

Deux heures plus tard, il reconduisit la jeune femme jusque chez elle, et obtint la promesse qu’elle viendrait le revoir le lendemain, à quatre heures du soir. Et il attendit, heureux et confiant, mélancolique aussi en songeant à Catherine.