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Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/28

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— Bien, dit Raoul, l’histoire vaut ce qu’elle vaut, mais il faudra s’y maintenir, et je vous demanderai de vous entendre avec votre sœur, madame. Ce qu’elle a fait dans sa journée, ce qu’elle est devenue, ne regarde pas la justice. Il n’y a qu’une affaire, celle du crime, et l’enquête ne sortira pas des limites que nous lui assignons. N’est-ce pas ton avis, Béchoux ?

— Tu vois la situation exactement comme moi », prononça Béchoux, d’un air important.

Tandis que les deux médecins examinaient le corps, il y eut, dans la salle à manger, une première prise de contact entre les hôtes du manoir et les magistrats. Un des gendarmes lut son rapport. Le juge d’instruction (il s’appelait M. Vertillet) et le substitut du procureur de la République posèrent quelques questions. Mais tout l’intérêt de l’enquête résidait dans la déposition de Béchoux, lequel était connu des magistrats, et qui parla, non pas comme policier, mais comme témoin même des faits auxquels il avait assisté.

Béchoux présenta son ami Raoul d’Avenac qui, par un heureux hasard, dit-il, était de séjour chez lui, et, lentement, avec des mots choisis, avec des parenthèses qui entravaient son discours, et avec une intonation d’homme qui ne parle que de ce qu’il sait, mais qui en parle comme il faut en parler, il s’exprima de la sorte :

« Je dois préciser que, hier, au manoir, nous étions — je dis nous, car ces dames veulent bien me considérer depuis deux mois comme un familier de la maison —, nous étions dans un état d’inquiétude tout à fait particulier, et d’ailleurs sans cause valable. Pour des motifs sur lesquels il est inutile de s’appesantir, nous nous imaginions qu’il était arrivé à Mlle Montessieux un accident quelconque, et j’avoue que moi, tout le premier, par une aberration contre laquelle mon expé-