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et se racontant des histoires. Deux fois, ils firent des rondes autour du manoir, s’aventurèrent jusqu’à la tour du pigeonnier, et réveillèrent le planton de gendarmerie qui s’assoupissait sur une des bornes de la grille.

À minuit, ils s’installèrent.

« Lequel fermes-tu, Béchoux ?

— Le droit.

— Et moi, le gauche. Mais je laisse ouvertes les deux oreilles. »

Un grand silence s’accumulait dans la pièce et autour de la maison. Deux fois Béchoux, qui ne croyait guère au danger, s’endormit si fort qu’il ronfla et reçut un coup de pied à hauteur des mollets. Mais lui-même, Raoul, s’était abandonné depuis une heure au sommeil le plus profond, lorsqu’il bondit sur place. Un cri avait été poussé quelque part.

« Pas vrai, bafouilla Béchoux. C’est une chouette. »

Un autre cri, soudain.

Raoul s’élança vers l’escalier en proférant :

« C’est en haut, dans la chambre de la petite… Ah ! crebleu, si on touche à celle-là !…

— Je sors, dit Béchoux. On pincera le type quand il sautera par la fenêtre.

— Et si on la tue pendant ce temps ? »

Béchoux rebroussa chemin. Aux dernières marches, Raoul tira un coup de revolver pour que cessât l’attaque, et pour donner l’alarme aux domestiques. À grands coups de poing il ébranla la porte dont un panneau céda. Béchoux, passant le bras, fit manœuvrer le verrou, puis la clef. Ils entrèrent.

La pièce était vaguement éclairée par une veilleuse, et la fenêtre était ouverte. Il n’y avait personne, personne que Catherine, étendue sur son lit et dont les plaintes avaient un air de suffocation comme si elle eût râlé.