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fait, c’est un cadavre qui fut déposé devant la masure de la mère Vauchel. La pauvre femme devint tout à fait folle. »

Le désarroi de Catherine s’accroissait comme si les circonstances passées revivaient devant elle. Raoul, qui sentait que toute tentative pour la réconforter serait vaine, la pressa d’achever.

« Oui, oui, dit-elle, cela vaut mieux, mais vous comprenez à quel point cette mort me parut suspecte. À l’heure même où Dominique Vauchel allait, sans aucun doute, me donner le mot de l’énigme, il mourait. Ne devais-je pas soupçonner qu’il avait été tué, et tué, justement pour empêcher toute explication entre lui et moi ? Ce meurtre, je ne pus en avoir la preuve matérielle. Cependant le docteur de Lillebonne, tout en déclarant que la mort avait été accidentelle, et produite par la chute d’un arbre, s’étonna, devant moi, de certaines anomalies troublantes, comme la découverte d’une blessure à la tête. Il n’y porta d’ailleurs pas attention et signa son procès-verbal. Mais je me rendis sur le lieu de l’accident et trouvai, non loin de là, un gourdin.

— Qui accuser ? interrompit Raoul, mais évidemment l’individu dont vous aviez surpris la silhouette derrière la cabane de la mère Vauchel et qui savait que, le lendemain, vous seriez renseignée sur le mystère des trois saules.

— C’est ce que je supposai, dit Catherine, et cette supposition, la pauvre mère de la victime ne manqua pas, à son insu du reste, de l’entrevoir et de la renforcer en moi. Chaque fois que je montais rejoindre mon fiancé, j’étais sûre de la rencontrer. Elle ne me cherchait pas, mais un hasard obstiné la mettait toujours sur ma route. Alors elle s’arrêtait quelques secondes, fouillait dans sa mémoire abolie, et scandait, en hochant la tête : “Les trois chaules… faut prendre garde, ma jolie demoiselle, les trois chaules.”