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Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/69

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combien je suis heureux de pouvoir me consacrer à vous, et comme un seul de vos regards me récompense… »

Il n’acheva pas. Toute parole trop audacieuse lui semblait une offense pour elle.

L’enquête à laquelle procédait la justice n’avançait guère. Après plusieurs jours d’investigations et d’interrogations, le juge ne revenait pas et s’en remettait plus au hasard qu’aux recherches de la gendarmerie et de Béchoux. Au bout de trois semaines, celui-ci, qui avait renvoyé ses deux camarades, ne cachait plus son découragement et s’en prenait à Raoul.

« À quoi sers-tu ? Que fais-tu ?

— Je fume des cigarettes, répondit Raoul.

— Quel est ton but ?

— Le même que le tien.

— Ton programme ?

— Différent du tien. Toi, tu suis péniblement le chemin des secteurs, des sous-secteurs et autres calembredaines, moi l’agréable chemin où l’on s’abandonne à ses réflexions et, plus encore, à son intuition.

— En attendant, le gibier court.

— En attendant, je suis au cœur de la place et je me débrouille, Béchoux.

— Quoi ?

— Tu te rappelles le conte d’Edgar Poe, Le Scarabée d’or ?

— Oui.

— Le héros de l’aventure monte dans un arbre, déniche une tête de mort et fait descendre par l’œil droit de cette tête un scarabée qui lui sert de fil à plomb.

— Inutile. Je connais. Où veux-tu en venir ?

— Accompagne-moi jusqu’aux trois saules. »

Lorsqu’ils furent arrivés, Raoul escalada l’arbre du milieu, et prit place sur le tronc.