Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mon assistance ? Toi aussi ?

— Que veux-tu dire ?

— Rien. Je suis à ta disposition. Où es-tu ?

— Au Havre.

— Pour quoi faire ? tu spécules sur les cotons ?

— Non, je suis venu pour te téléphoner.

— Ça c’est gentil. Tu as quitté Paris pour me téléphoner du Havre ? »

Ce nom de ville, que Raoul prononça devant la jeune fille, parut la troubler, et elle chuchota :

« Le Havre… On vous téléphone du Havre ? C’est étrange, et qui vous téléphone ? laissez-moi écouter. »

Un peu contre le gré de Raoul, elle saisit l’autre récepteur, et, de même que lui, elle entendit la voix de Béchoux qui disait :

« Ce n’est pas pour ce motif. J’étais dans la région. Comme il n’y avait pas de téléphone de nuit, j’ai mobilisé une auto qui m’a conduit au Havre. Et maintenant je retourne chez moi.

— C’est-à-dire ? interrogea d’Avenac.

— Connais-tu Radicatel ?

— Parbleu ! un banc de sable au milieu de la Seine, pas très loin de l’embouchure.

— Oui, entre Lillebonne et Tancarville, et à trente kilomètres du Havre.

— Tu penses si je connais ça ! L’estuaire de la Seine ! Le pays de Caux ! Toute ma vie est là, c’est-à-dire toute l’histoire contemporaine. Ainsi tu couches sur un banc ?

— Qu’est-ce que tu chantes ?

— Je veux dire que tu habites sur un banc de sable !

— En face du banc, il y a un petit village charmant, d’où il tire son nom de Radicatel, et là j’ai loué pour plusieurs mois, afin de m’y reposer, une chaumière…

— Avec un cœur ?