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L’INTELLIGENCE DES FLEURS

jeu des étamines et du pistil, la séduction des parfums, l’appel des couleurs harmonieuses et éclatantes, l’élaboration du nectar, absolument inutile à la fleur, et qu’elle ne fabrique que pour attirer et retenir le libérateur étranger, le messager d’amour, abeille, bourdon, mouche, papillon, phalène, qui doit lui apporter le baiser de l’amant lointain, invisible, immobile…

Ce monde végétal qui nous paraît si paisible, si résigné, où tout semble acceptation, silence, obéissance, recueillement, est au contraire celui où la révolte contre la destinée est la plus véhémente et la plus obstinée. L’organe essentiel, l’organe nourricier de la plante, sa racine, l’attache indissolublement au sol. S’il est difficile de découvrir, parmi les grandes lois qui nous accablent, celle qui pèse le plus lourdement à nos épaules, pour la plante, il n’y a pas de doute : c’est la loi qui la condamne à l’immobilité depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Aussi sait-elle mieux que nous, qui