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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

qu’il ne doive plus jamais y avoir de guide ce ne serait pas une raison pour nous inquiéter de l’avenir moral de l’humanité. L’homme est un être si essentiellement, si nécessairement moral que, lorsqu’il nie toute morale, cette négation même est déjà le noyau d’une morale nouvelle. La morale est, peut-on dire, sa folie spécifique. À la rigueur, l’humanité n’a pas besoin de guide. Elle marche un peu moins vite, mais presque aussi sûrement par les nuits que personne n’éclaire. Elle porte en elle sa lumière dont les orages tordent mais ravivent la flamme. Elle est, pour ainsi dire, indépendante des idées qui croient la conduire. Il est, au demeurant, curieux et facile de constater que ces idées périodiques ont toujours eu assez peu d’influence sur la somme de bien et de mal qui se fait dans le monde. Ce qui a seul une influence véritable, c’est le flot spirituel qui nous porte, qui a des flux et des reflux, mais qui semble gagner lentement, conquérir on ne sait