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chasses et voyages au congo

pense au bain forcé que l’on va devoir prendre, quand soudain l’équilibre se rétablit, et que s’agrippant aux lianes tels des singes, les hommes se redressent et reprennent le rythme de leur allure habituelle. On se fait à tout, et c’est ainsi, à moitié assis dans l’eau, que je prends des notes, et essaye d’esquisser le tableau féerique qui se déroule à mes yeux, et qui semble si peu naturel, que plus que la réalité, on le croirait le décor d’un théâtre.

Lorsque nous avons laissé derrière nous cet incroyable fouillis de verdure, dans lequel de loin en loin les éléphants ont seuls réussi à tailler une brèche, nous retrouvons la forêt habituelle où nous cheminons assez longuement, quand soudain sans qu’on s’y attende, des champs de maïs coupés de bananiers annoncent un village que bientôt nous atteignons : comme d’habitude, à l’entrée, un Dieu bizarre nous salue, ici c’est un quadrupède à la tête d’oiseau peint en blanc et quadrillé de rouge. Le Capita nous dit « Jambo » bonjour, et espère nous retenir en nous disant que tout près a nuit dernière, on lui a signalé un passage d’éléphants, mais Bird seul se laisse tenter, et tandis que nous poursuivons notre route, il reste en arrière avec ma 10/75 que je lui ai prêtée en remplacement de son fusil éclaté.

Nous passons à côté de pièges d’éléphants ; plus que le fusil, ceux-ci sont redoutables aux pachydermes, qui sans se méfier, vont en se promenant s’engloutir dans d’énormes fosses préparées d’avance et recouvertes de branchages, d’où ils ne peuvent plus se retirer, et où leurs ennemis viennent misérablement les achever à coups de lances ou de flèches. Ce système en vigueur dans tout le pays est toléré, bien qu’il soit mille fois plus barbare et plus meurtrier que l’emploi d’une bonne et honnête carabine. À midi, nous arrivons à l’orée de la forêt, et une superbe échappée de vue nous réjouit ; car devant nous s’étend le pays, qui nous, l’espérons, nous réserve de nouveaux succès. Au fond du paysage, une chaîne de montagnes barre l’horizon, puis une vaste plaine au bord de laquelle un village se dessine,