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chasses et voyages au congo

Callypige mise en couleurs ? Une statue de marbre n’offusque jamais la pudeur et l’on se demande, si le pape qui au Vatican a fait orner de feuilles de vigne les marbres antiques de ses galeries, n’était pas plutôt lascif que pudibond ?

Les hommes portent une coiffure bizarre composée d’une série de petites tresses roulées et ramenées sur le haut de la tête en forme de cornes ; jamais en Europe un homme marié n’oserait porter cette coiffure sans se couvrir de ridicule !

Un fou se promène entre nos tentes ; il a de longs cheveux bouclés, et il ne s’exprime que par gestes, car il est muet ; on le laisse circuler librement, il est inoffensif et il se nourrit des déchets qu’il trouve ou que la population lui donne : de même que les innocents en Bretagne, les fous chez les sauvages sont considérés comme une mascotte pour le village.

Le soir nous assistons à un grand concert suivi de bal dont les échos nous parvinrent longtemps encore dans la nuit, troublant notre sommeil. Et le tam-tam endiablé qui m’empêche de dormir me porte à réfléchir et à formuler quelques axiomes.

En somme les indigènes vivent heureux et sans soucis ; ils n’ont pas besoin de vêtements, mangent des bananes et du manioc qui poussent tout seuls sans qu’on ait besoin de les cultiver ; s’ils veulent de la viande ils vont braconner dans la forêt, et ils trouvent du poisson tant qu’ils en désirent dans les rivières. Le soir ils chantent et dansent et le reste…

Pourquoi les civiliser ? On leur crée des besoins qu’ils n’avaient pas, et qui les poussent à travailler ; mais ce n’est Point leur bien ou leur bonheur que l’on a en vue, mais au contraire le profit qu’on en retirera soi-même. Et quand on a vécu un certain temps en Afrique on ne peut s’empêcher de poser la question qui résume tout le problème